Les îles Canaries


Mardi 2 janvier 2001.

Je prends contact avec Raytheon. Le problème du pilote est isolé et bien identifié. Il existe une solution technique pour réparer. Je dois me rendre à Grand Canaria pour pouvoir faire jouer la garantie. Je démonte l’éolienne dans l’après-midi, là aussi le problème est identifié.

 
Mercredi 3 janvier 2001.

J’ai réparé l’éolienne puis l’ai remonté, ensuite je me suis attaqué au chargeur de batterie. Lui aussi est maintenant opérationnel.
Ca commence à reprendre une allure normale.

 
Jeudi 4 janvier 2001.

00 h 28.
Départ pour Grand Canaria où j’espère, mon pilote sera bien réparé. Le vent est de nouveau dans le pif. Décidément c’est une manie. Je ne pourrai pas tenir le cap alors, j’avance avec voile et moteur pour réduire l’angle, mais il faudra vraisemblablement tirer des bords lorsque je serai proche de l’île.
Une grande satisfaction, j’ai la confirmation que l’éolienne fonctionne normalement. Elle tourne comme avant et la résistance est chaude, ça marche !

10 h 00. Ils avaient annoncé du vent variable sur la zone sud Madère et bien on est servi ! D’abord 45 miles vent Nord-est assez fort plein pif.
Arrivé sous le vent de la côte, le vent tombe. Je n’avance plus qu’au moteur en longeant la côte jusqu’à la Isleta.
La mer est encore formée, l’activité éolienne nocturne. Je n’avance quasiment pas. Planté à chaque vague. Puis oh ! délice, le vent orient Sud-est.
Je peux enfin avancer dans ma direction.

15 h 45.
Arrivée à Las Palmas et arrêt du Volvo de 0 h30 à 15 h 44.
Mon séjour à Las Palmas a duré dix jours avec mon départ le 10e jour. Je me suis employé pendant ce temps à remettre le bateau en état.
Tout d’abord j’ai contacté le service technique de chez Raytheon pour le pilote. Ils ne sont venus que cinq jours après mon arrivée. Mais le pilote était réparé et modifié avec l’apport d’un clavetage le lendemain de leur passage. J’ai dû m’acquitter de la somme de 9 500 pesetas pour effectuer cette modification. J’ai fait la vidange du moteur avec le changement des joints des portières latérales. Mais ça fuit toujours. Ma foi, c’est pas bien grave. J’ai tout nettoyé avec une attention particulière pour les fonds. Tout est nickel maintenant.
Mon faux plancher en bois sous la vache à eau centrale avait pris une position assez bizarre dans la quille.
Avec les mouvements de la tempête, il se passe des choses incompréhensibles. Enfin c’est propre et bien rangé. J’ai effectué le ravitaillement en nourriture chez Hyperdino qui livre à domicile. 37 000 pesetas. J’ai acheté une radio ondes courtes Panasonic 7 200 pesetas. Cela m’a permis de renvoyer celle d’Eugénio par courrier. Merci Eugénio pour ton aide.
J’ai aussi installé un super filet qui prend toute la largeur du bateau au niveau de l’épontille. J’espère que les fruits et légumes tiendront mieux le choc dans cet endroit.
Je me suis payé aussi une séance de grimper à la force des bras pour voir le point de drisse du génois. Heureusement car il était sur le point de lâcher. Je l’ai démonté en l’air, puis ai refait une cosse en coupant le mauvais bout. Pour le remontage, j’ai préféré me hisser avec la chaise. Arrivé en haut j’ai pu me bloquer en faisant un nœud. Merci à la drisse de tourmentin. J’ai changé mes anodes qui s’étaient complètement désintégrées. Ne restait qu’un bout d’anode sur l’arbre avant la chaise. Ca c’est pour la partie technique.
J’ai rencontré des gens formidables là-bas. Un couple de jeunes, Laure et Juan (argentins, Laure est française) avec deux enfants, Gaya 5 ans, et Matthias 14 mois.
Ils sont formidables. Savent écouter, ne s’imposent pas, ne parlent pas pour ne rien dire. On perçoit déjà une sagesse au-dessus de la moyenne.
Rien à voir avec cette catégorie de navigateurs (souvent français) forts en gueule qui ne jouissent qu’en racontant leur expérience propre. Ceux-là je les ai rencontré aussi avec les autres, en général des américains, totalement en-dehors de tout ou bien au-dessus de tout, qui ne se mélangent pas et évitent même les contacts.
Heureusement j’ai échangé des moments chaleureux avec cette petite famille sympa. Je connaissais même leurs parents rencontrés à Santa Margarita sur un gros Galapagos blanc. Jacques et Geneviève. C’est de leur fille Laure dont ils m’avaient parlé lors de notre rencontre en Espagne. J’ai aussi retrouvé Gaby et Martha sur leur Dehler 34. Ils sont aussi fantastiques ces deux là. Martha était une ancienne championne espagnole de course de fond (semi-marathon etc.…). J’ai bien accroché avec eux.
Nous devions nous retrouver en Martinique mais décidément les français et leur administration sont trop chiants. Ils veulent n’encourager que le tourisme des « gens normaux ».
Ceux qui ne sont là que pour peu de temps et qui largueront leur pognon sans se poser de questions. Quant aux navigateurs sans le sou et pas tout à fait conforment aux lois en vigueur chez nous, c’est la guerre et la chasse à coup de règlement et d’amendes bien salées. Alors je maintiens ma trajectoire vers Antigua d’abord, Saint-Martin ensuite.
Je n’ai pas rencontré de jolie Canarienne. Sur ce plan c’est le grand bide. Pas de temps, pas d’argent, pas le look, etc.… Je me rattraperai plus tard.
Tiens, j’ai même perdu ma sacoche noire dès le deuxième jour, oubliée dans un taxi. Quelle angoisse j’ai vécu pendant une journée. Plus aucun papier. C’est là qu’on s’aperçoit que la vie n’est qu’un petit trou dans un système gigantesque. Sans papier nous ne sommes plus rien. Heureusement les taxis canariens sont des gens honnêtes.
Ils m’ont ramené la sacoche le lendemain directement au bateau pendant leur jour de repos. Ouf j’ai respiré un peu mieux après.
Parmi les gens que j’ai rencontré à Las Palmas, Je ne dois pas oublier Gilles et Dany et le petit Tristan sur l’Ovipare. Gilles est un batteur pro. Un vrai régal de l’écouter. Dany est pulpeuse et jolie comme tout. Un régal de la regarder !
Puis Véronique et Michel Courrèges. Deux ex-pharmaciens sur un gros voilier en route vers les Philippines. Sympas aussi.

 
Dimanche 14 janvier 20001.

11 h 00. J’ai effectué un rond dans l’eau pour réinitialiser mon pilote refait à neuf. Une fois calibré, je reviens vers Cortot avec Laure et Juan, pour prendre une photo.
Ils sont tellement sympas. J’immortalise leurs visages souriants dans mon appareil photo jetable. Ils partiront bientôt pour Dakar.
Mais je suis déjà dehors entre les cargos à l’ancre. Génois déroulé, grand voile établie, vent ¾ arrière, houle importante, vent force 4 secteur Nord-est. Ca ne va pas. Je ne me sens pas bien. L’angoisse est là encore. Je décide d’envoyer le spi car, génois, plus grand voile en vent arrière = gros caca sur Winnibelle.
Je prépare tout et découvre que le tube de l’enrouleur bouge un peu trop dans son socle. Ca c’est pas bon au départ d’une transatlantique ! Je laisse béton pour l’instant et finis de préparer le spi. Au moment de l’envoyer je suis à l’avant, le regard planté sur le sac à voile du spi. J’hésite. Trop de vent. Je renonce à l’envoyer et démonte tout le cirque.
Après avoir replacé chaque élément dans son rangement (hé oui il faut de l’organisation dans tout ça), j’insère un petit bout de teck en forme de cale entre le tube de l’enrouleur et le tambour, pour réduire les mouvements relatifs entre ces deux éléments, puis je fais deux tours au génois pour bien le bloquer. Ca va mieux, l’ensemble est homogène.
Mais ça ne va toujours pas. Je suis inquiet. Le génois donne des à coups et surtout, Z (le pilote) turbine comme un cinglé.
A droite, à gauche et vas-y que je mouline mon braquemart. On dirait un jeune puceau qui s’excite sur les pages lingerie fine du catalogue des 3 Suisses (tiens ça me rappelle des souvenirs). Alors je laisse tomber pour le moment et me prépare un déjeuner. Une bonne grosse salade (endives, tomates, avocats, fromage) et du saucisson en entrée.
Puis une fois l’estomac plein je décide de réfléchir au problème du bateau. Je prends la notice du pilote et regarde comment indiquer à Z un niveau d’énergie plus cool.
OK je peux le faire. Il suffit de réduire le réglage usine du rudder gain. Je démarre la procédure. Le niveau recommandé par le bouquin est 5. En fait il est réglé à 4 et moi, je le positionne sur 1. Euréka !! Z s’est enfin calmé, il fonctionne beaucoup plus doucement sans à-coups. Le bateau part au lof, il le laisse partir puis le rattrape doucement sans s’énerver. Voilà une très bonne chose de faite. Je crois qu’enfin, avec un niveau d’activité minimum, on va pouvoir en faire du chemin.
Ensuite, j’affale la grand voile et tangonne le génois. Là aussi Winnibelle se calme et s’installe sur sa trajectoire à 6,5 nœuds. Tranquille sans à-coups. Ca va beaucoup mieux mon angoisse disparaît. J’espère qu’en réglant le bateau sur le mode pépère, on pourra y arriver sans casse. Le vent est force 6 plein arrière !!!
J’en reviens pas. Je croyais que le Sud-ouest me poursuivrai jusqu’au bout du monde. Enfin j’avance bien, au sec dans un bateau qui ne souffre pas trop. Pour l’instant c’est le pied. Pourvu que ça dure comme ça. Seule ombre au tableau, il ne fait pas très chaud. Je suis en jean, tee-shirt et pull-over et k-way.

18 h 00. Le vent de Nord-est est un costaud bien musclé. Je ne dois pas m’endormir car ça tire bien sur le matériel.

18 h 15. Ah ! pétole brève puis Ouest Nord-ouest. Je navigue maintenant au près bon plein. Je savais bien que c’était trop beau. Je viens de dépasser le sud de l’île Grand Canaria et me trouve dans une sorte d’ouverture entre Ténérife que je vois au loin et Grand Canaria. Peut-être, je l’espère le vent est dévié entre ses deux îles pour souffler dans cette direction. J’ai pris un petit coup au moral mais tant que le vent ne se rapproche pas plus du près serré, cela pourra faire l’affaire. Pour l’instant je peux garder mon cap. C’est le plus important. Le vent souffle force 4.

20 h 25. Le vent est totalement tombé, avec pour conséquence immédiate : le Volvo.
Papa m’a expliqué que dans les parages de ces îles le vent serait très irrégulier. Je vois. Alors je suis les conseils de mon ancien, se sortir de la zone au besoin en utilisant la mécanique, si le vent fait défaut. En tout cas je suis bien. Je préfère ces conditions clémentes à des gros coups de baston.

21 h 30. Le vent reprend plein Est cette fois-ci. Le Volvo s’est tu. Au moins il n’aura pas tourné longtemps cette fois-ci. On dirait que le vent joue avec mes nerfs. Il tourne autour du près serré comme pour me narguer. Alors je t’en mets une petite dose dans le pif hein Frankie ! Ou j’attends un peu plus tard ? Je suis fatigué.
J’avais déjà perdu l’habitude de manœuvrer. J’espère que je vais pouvoir fermer l’œil.
En général la première nuit est difficile car je ne suis pas dans le rythme des petites tranches de sommeil. Demain ça ira mieux.




































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