Les Etats Unis d'Amérique - Boston et fin du voyage


Mardi 24 juillet 2001.

07 h 25. Je viens de croiser un bateau de pêche américain, il chalute et ne peut donc manœuvrer. Je passe sur sa poupe suffisamment loin pour ne pas être inquiété par le filet. Je vais reprendre quelques tranches de sommeil. Pour l'instant la moyenne est de 4,7 nœuds en 18 h 30 de voyage.

12 h 30. Thérèse prépare des pommes de terre, oignons, lardons à la cocotte. C'est bon. Vaisselle ensuite et point : 5,47 nœuds de moyenne depuis ce matin, 120 miles parcourus en 24 h. Ca roule pas mal en ce moment.
Tout le monde est flitoxé. Moi par manque de sommeil et Thérèse à cause du mal de mer. Le chat, quant à lui semble mener de manière égale sa vie au large comme au mouillage. Bouffer quand ce n'est pas dévorer, dormir, jouer, et chier.

18 h 00. Le vent se renforce considérablement. Je réduis le génois au tiers. La mer se lève, les vagues sont assez importantes, suffisamment pour chahuter durement le bateau.

21 h 45. Toujours ce traitement dur, 25 à 30 nœuds en vent arrière. Winnibelle n'en finit plus de rouler. Encore une nuit blanche en perspective ! De plus j'ai un mal de crâne persistant c'est pas la joie.

02 h 30. Un gros cargo se profile à l'horizon, normal, je suis en plein chenal (Namtucket ambrose). La trajectoire faut-il le préciser est concourante. Alors on avance, on avance, jusqu'à ce qu'enfin le cargo allume alternativement un gros projecteur. Ca va, il m'a vu. Je lui réponds avec mon projecteur de pont. Mais au bout de quelques minutes, je ne suis plus très sûr de sa forme ni de sa direction car il se rapproche de moi trop vite à mon goût. Je réveille Thérèse pour qu'elle démarre le Volvo immédiatement au cas où.
Elle s'exécute complètement groggy. En fait le cargo s'est arrêté pour me laisser manœuvrer, c'est ce qui m'a perturbé car il ne se déplaçait plus comme je m'y attendais. Tout est rentré dans l'ordre après l'avoir passé sous le vent de sa poupe. Après ça je n'ai plus vu qu'un autre cargo au loin et un chalutier. Le vent a mollit ce qui me permet de renvoyer un peu le génois.

 

Mercredi 25 juillet 2001.

06 h 50. Le vent a orienté encore plus Sud-ouest ce qui m'oblige à empanner et à repositionner tout mon bastringue de bras et de poulies de l'autre côté. Ca me permet de bien me réveiller ! Le ciel est gris mais un timide soleil tente de percer avec succès parfois. Nous nous dirigeons tout doucettement vers Buzzard Sound, encore 43 miles.

16 h 00. Nous entrons dans Buzzard Bay ainsi que 4 autres voiliers. Leur destination est immédiatement à l'entrée de cette baie. Nous, nous continuons vers le fond pour me rapprocher de l'entrée du canal. Je pousse, je pousse mais à l'évidence, je ne pourrais pas atteindre un abri avant la nuit. Je prépare donc toute ma nav' pour un atterrissage de nuit, sous le vent d'une presqu'île appelée Scraggy Neck. Nous y arrivons en pleine nuit vers 21 h. Le temps de tout ranger et de faire ses ablutions à son excellence le chat et hop dodo.

Après un peu plus de deux jours de navigation assez musclée, nous sommes au pied d'un pont que j'ai franchi en voiture de nombreuses fois pour aller à Chatham. Mon voyage arrive bientôt à sa fin. Tout à une fin on dit mais pour moi, je veux que ce soit un commencement. J'y réfléchirai.

02 h 00. Je me lève pour mettre mes masses électriques à l'eau car un orage nous passe dessus.


 
Jeudi 26 juillet 2001.

Comme prévu par la météo, le ciel est bouché, il pleut, il fait froid et le vent est orienté Nord-est. Je vais donc attendre que la pluie se calme et j'irai prendre un mouillage plus convivial. Minou bondit dans tous les sens, il est en pleine forme. Thérèse est toujours sous la couette (07 h 30).

08 h 30. Je lève l'ancre et commence ma remontée vers le canal qui mène au canal de Cape Cod. Juste avant, une sorte de petit affluent pars vers la gauche et mène à Onset Village. Je navigue déjà dans le canal mais un grain me surprend avec une pluie torrentielle et du vent violent. Je n'avance presque pas malgré un bon courant qui porte vers l'Ouest, donc favorable. Le vent atteint un niveau qui m'oblige à jeter l'ancre dans le chenal un peu à l'écart. Mais le vent est contre le courant ce qui a pour effet de pousser Winnibelle en travers sans lui laisser prendre sa position d'équilibre habituelle. La chaîne se tend dans une position latérale, elle saute de son logement et m'arrache 25 cm de liston à l'avant bâbord. Les boules. Je reste sur le pont sous la pluie à surveiller les mouvements de la chaîne. J'ai un pied en appui dessus pour qu'elle demeure dans son logement. Au bout d'une heure, ça se calme et nous mangeons à l'intérieur un bon repas préparé par Thérèse.
Quelque soit la situation, elle ne déroge pas à la préparation d'un repas. Une heure plus tard, je peux enfin lever l'ancre et nous entrons dans la petite baie de Olset Village où enfin je peux me relaxer. Pas de courant, pas de vague et un paysage charmant.

15 h 00. Je gonfle l'annexe, Thérèse sautille d'impatience pour aller à terre. Elle y descendrait même à la nage, j'en suis persuadé après près de 60 heures de navigation. Le village est propret avec de jolies maisons en bois comme à Chatham, c'est vraiment joli ce coin. Nous faisons des courses et moi je rencontre Mike Dowd, un gars à qui je pose quelques questions au sujet du gaz (pour la cuisson) que je soupçonne d'être au niveau du plus bas.
Bientôt il faudra trouver une solution si je veux continuer à manger chaud. Le soir, le ciel se découvre et nous passons une soirée sympa à bord.

 
Vendredi 27 juillet 2001.

Le vent est toujours Nord-est, Thérèse me tanne pour que je répare les néons. Ils sont inopérants depuis presque un an Il serait en effet peut-être temps que je m'y intéresse. Je démonte et m'aperçois qu'un des tubes est mal fabriqué, il faut le changer. Je vais à terre et en trouve au Hardware Store, de plus le jeune qui bosse là m'explique que les extrémités des tubes sont grisâtres, un signe qui montre leur dégradation. J'en achète deux neufs pour 10 dollars. Pas donné ces saloperies.
De retour au bateau, j'installe et ça marche. Le soir, nous prenons le chat et l'emmenons à terre pour une promenade. Il est heureux de courir après tout ce qui bouge.
De retour au dinghy, nous nous arrêtons devant un superbe Swan loué par des américains. Ils sont gentils, un docteur, une nutritionniste et 3 superbes enfants.
Ca respire la santé tout ça. Le chat s'éclate dans ce nouveau bateau de 46 pieds. Au revoir et hop au bateau pour un dodo mérité.

 
Samedi 28 juillet 2001.

Le moteur du dinghy est encore une fois en rade. Après examen de la bougie, je constate qu'elle est cassée tout au bout. Persuadé que le problème vient de là, je me mets en quête d'une nouvelle bougie, seulement mon moteur est tellement vieux que je reçois la même réponse du sheapyard du coin, non, on n'a pas ce modèle.
Heureusement il y a ce jour là un grand manitou de la mécanique qui bosse sur le moteur diesel générateur d'une grosse vedette puissante. Il sort du magasin que possède le sheapyard. Ces cheveux malgré ses 60 ans passés sont très longs ! Il me demande d'aller chercher la vieille bougie pour savoir si il en aura une en stock qui fera l'affaire.
Je m'exécute et de retour à la marina, il me confirme, du fond graisseux de la chambre des machines dans laquelle il s'est inséré, qu'une solution existe. C'est le premier qui ne m'envoie pas balader pour cette bougie. Je passe 1 h ½ en sa compagnie, l'aide à ranger son matériel et le suit chez lui pour voir ses bougies. Je suis surpris par la propreté de son organisation. Il me sort 2 bougies neuves d'un fond de tiroir. Elles feront l'affaire. De retour au bateau, je présente la douille de la nouvelle bougie sur le moteur et à ce moment précis, Dave (c'est son nom) dit " Splash " et la bougie m'échappe des mains. Elle repose maintenant au fond d'une eau trop trouble pour y voir goutte. Je fulmine et m'insulte pour ma maladresse. Heureusement il en a une deuxième. Cette fois-ci, je l'installe proprement et au premier essai… ce n'est pas ça !!! le moteur tourne toujours aussi mal. Cette fois je sais pourquoi, c'est certainement le carburateur et plus particulièrement le petit gicleur qui m'emmerde depuis le début, qui doit être partiellement bouché. Au moment de lui demander la facture, il ne me demande rien !! Je suis heureux de sa générosité.
Nous prenons congé et je retourne au bateau pour réparer. Une ½ heure après le moteur tourne parfaitement, mais je suis hanté par l'image d'une bougie toute neuve qui repose au fond de l'eau.
Alors je prend mon masque et tuba et j'y retourne. L'eau est fichtrement froide mais je la trouve cette bougie après 2 secondes de plongée. Parfait !!

Dans l'après-midi, je retourne me promener seul car Thérèse se trouve dans une de ses humeurs à ne pas sortir de son cocon.
Je retrouve Mike chez lui où nous discutons sur le sujet douloureux de Stacy. Il me conseille de ne lui envoyer que du positif. J'en suis incapable !! Je sais que cela risque de me tuer un jour, mais je ne peux pas lui souhaiter sincèrement de bonnes choses.
Alors je dois oublier et vivre ma vie sans amertume pour éviter l'épanouissement d'un cancer ou autre. Je suis persuadé que le corps se dégrade sous l'effet de la haine, car elle te consume et grignote ta santé petit à petit mais très sûrement.
De retour au bateau, je prépare la navigation du lendemain, nous avons pris la décision de rentrer dans le cœur de Boston malgré la nuit. Il me faut donc bien définir la route avec des points GPS précis. En même temps, je réalise que ces points qui plongent vers ma destination finale marquent la fin d'une belle aventure.

 
Dimanche 29 juillet 2001.

10 h 30. Nous partons juste au début de la marée montante, car il faut passer le canal du Cape Cod avec le courant de la marée montante. Ca va vite et nous sommes vite de l'autre côté avec un vent de Sud-sud-est favorable. J'envoie la ligne de traîne sur la suggestion de Thérèse mais je n'ai même pas le temps de l'amarrer avec son tendeur, qu'elle se tend vivement avec une très belle prise au bout. Je remonte le tout, il y a un superbe blue fish au bout. Ces poissons sont délicieux. Heureusement nous avons de la glace. Nous allons le garder pour le manger avec la famille Piepenpurg. Il doit mesurer au moins 55 cm. Thérèse conserve la tête et préparera une soupe de poissons à midi.

12 h 00. J'envoie le spinaker, la mer est très belle, le vent clément, tout va bien. La soupe est délicieuse mais comporte un nombre agaçant d'écailles de poisson ! il faudra passer le reste au tamis.

19 h 00. J'affale le spi car le vent tombe.

19 h 30. Moteur et je m'habille chaudement. La nuit est froide. Thérèse dort avec le chat. Moi j'avale les uns après les autres, chaque point GPS auquel correspond une bouée lumineuse. Toujours pas de vent. La ville se découpe dans la nuit avec ses gratte-ciels et ses lumières.

01 h 00. J'entre dans le cœur de Boston.

02 h 00. Nous jetons l'ancre à Constitution Marina. Ca y est Winnibelle vient d'atteindre sa destination finale.

 
Lundi 30 juillet 2001.

Nous nous réveillons assez tôt pour bouger le bateau et tenter de trouver un endroit plus approprié pour le laisser. Je remonte vers la sortie down town Boston, mais il semble impossible de le laisser là. Chaque centimètre carré de surface est utilisé par des marinas ou des corps morts payants. Je me dirige dans la direction opposée, repasse devant Constitution Marina et découvre sous le Tobin Bridge en face de Chelsea, un petit espace libre où je peux mouiller sur deux ancres. On peut même débarquer sur un petit quai flottant abandonné.

14 h 00. Nous partons à terre pour voir Graziella et les enfants à Beacon Hill. Nous avons la glacière avec le poisson et le reste de glace. Le chat reste au bateau. Nous découvrons un coin très sympa où Matt et Graziella ont choisit de vivre. Au numéro 72 de Pinckney Street nous retrouvons Graziella, Maëlle et Andréas. Le bonheur ! Graziella invite un couple d'amis. Nous passons une excellente soirée. De retour au bateau, je m'aperçois que des enfoirés ont volé le cordage de proue qui sert à attacher le dinghy.

 
Mardi 31 juillet 2001.

Je passe la matinée à marcher dans tous les sens pour tenter de trouver une solution relative au problème du gaz butane et de mes bouteilles européennes qu'il faut remplir car elles sont bientôt vides toutes les deux. Mais je dois me rendre (le chat vient d'attaquer le stylo !) à l'évidence, personne ne peut remplir mes bouteilles dans ce pays.
J'achète donc une bouteille de 20 £ américaines avec du propane. On verra à l'essai si mon gicleur accepte ce gaz. Dans l'après-midi nous retournons chez Graziella.
Cette fois Matt est là. Il est heureux de me retrouver ainsi que Thérèse qu'il n'a pas vu depuis plus de 3 ans. De retour au bateau, j'ai la très désagréable surprise de retrouver le dinghy sur le ponton, la chaîne et le grappin manquants. Je suis écœuré. Demain nous devons partir ailleurs.

 
Mercredi 1er août 2001.

Nous invitons les Piepenpurg au bateau pour que les enfants découvrent le minou et le bateau. Ils arrivent le soir vers 17 h 30. Nous avons décidé de bouger vers South Boston où il y a une baie accueillante l'été. La soirée se passe très bien. Les enfants s'éclatent avec le minou.

 
Jeudi 2 août 2001.

Départ vers South Boston après avoir fait le plein d'eau à une Marina sur East Boston. Cet endroit pourra représenter une solution pour l'hiver avec 30 dollars US par pied pour 6 mois. Nous arrivons à South Boston vers 13 h 00. C'est pas mal mais le ciel est sillonné d'avions bruyants qui atterrissent ou décollent toutes les 10 secondes !!
Le yacht Club en face est constitué de types sympas qui me laissent stationner le dinghy. De plus l'endroit n'est pas rongé par la racaille. Chelsea, je le sais maintenant, est habité par des colombiens en grande majorité. D'où le niveau de petite criminalité.
Voilà je me trouve à South Boston devant une problématique qu'il me faut résoudre rapidement. Le job et l'emplacement pour le bateau.

 
Vendredi 10 août 2001. Ces derniers jours se sont déroulés entre Bacon Hill et le bateau à South Boston. Thérèse s'est régalée de leur joie de vivre.
Elle est repartie aujourd'hui avec le cœur gros car trois mois, c'est suffisamment long pour s'imprégner d'un art de vivre.
Elle retourne à Paris avec une page à tourner car sa sœur Hélène lui offre une possibilité de business in San Francisco California. On verra.
Pour moi, c'est aussi le début d'une autre aventure.

 
Le voyage de Saint-Martin à Boston représente une distance de 2 400 miles nautiques

FIN DU VOYAGE








































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